Twitter : Florian Philippot et Sandrine Rousseau, cibles privilégiées des « Community Notes » (2024)

Comment faire la chasse aux fake news sur les réseaux sociaux? Pour les entreprises qui les administrent, il s'agit d'un véritable casse-tête tant la quantité de contenus postés chaque jour est astronomique. Plutôt que de dédier une équipe de professionnels à cette tâche, ce qui impliquerait des moyens colossaux, le réseau social X (ex-Twitter) a choisi de laisser sa communauté d'utilisateurs réguler elle-même le flux massif d'informations.

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Il s'agit des «Community Notes», soit, en français, les «notes utiles de la communauté». Publiéejuste en dessous dutweet auquel ellese rapporte, une noteviseà apporter des éléments complémentaires lorsquele contenu de celui-ci se révélerait inexact ou trompeur.À LIRE AUSSI Sur Twitter, le problème ne vient pas d'Elon Musk, mais de vous

C'est en janvier2021, alors que l'entreprise n'appartenait pas encore à Elon Musk, qu'est apparue cette fonctionnalité. Elle s'appelait alors «Birdwatch» et n'était disponible qu'aux États-Unis. En juin dernier, Twitter a décidé d'étendre Birdwatch, renommée «Community Notes», à43autres pays, dont la France. Voilà pourquoi vous en voyez sûrement de plus en plus, si vous êtes un utilisateurde ce réseau social.

Les lecteurs ont ajouté une note de la communauté à ce Tweet: https://t.co/X7YblfRc6h

— Notes Utiles de la Communauté (@NotesUtiles) September 23, 2023

Comment ça fonctionne?

Pour écrire une note, un utilisateur de X doit au préalable faire une demande d'inscription à la liste des contributeurs. Pour cela, il faut avoir un compte Xdepuis au moins six mois, nepas avoir enfreint les règles du réseau durant cette période, et renseigner son numéro de téléphone. Une fois la demande d'inscription faite, il peut se passer quelques mois avant d'être ajoutéà l'équipe de contributeurs.

Après l'écriture d'une note par un utilisateur, celle-ci n'est visible dans un premier temps que par un échantillon de contributeurs, appelés à se prononcer sur son contenu par un vote pondérépar unalgorithme. Le code informatique de l'algorithme est public, ce qui permet aux spécialistes d'identifier ses bugs et ses biais éventuels.

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Pour qu'une note soit validée et rendue visible à tous les utilisateurs, le vote favorable d'une majorité de contributeurs ne suffit pas. Plusieurs autres critères entrent en jeu. D'abord, la crédibilité en tant qu'auteur de notes. Si un auteur voit une de ses notes se faire rejeter, ses prochaines ont extrêmement peu de chances de passer. Ensuite, le contenu de la note doit faire consensus parmi les membres de l'échantillon, en particulier parmi des contributeurs qui ont peu de raisons d'être d'accord entre eux. Bien sûr, le système ne vous connaît pas. Il ne sait pas si vous êtes, par exemple, un électeur de gauche ou de droite. Mais il connaît les gens que vous suivez et ceux qui vous suivent, il connaît vos goûts au travers de vos likes, vos centres d'intérêt,etc. Il en déduit si vous appartenez ou non à la même sphère d'idées qu'un autre membre de l'échantillon.

Or, pour schématiser, l'algorithme valorise bien mieux un consensus entre trois personnes identifiées d'extrême droite, trois d'extrême gauche et une du centre, qu'un consensus entre dix personnes identifiées d'extrême droite. De cette manière, le système cherche à écarter le risque qu'un contributeur qui aurait un grand nombre de partisans ne les appelle à voter tous comme lui. Le vote d'un utilisateur a également d'autant plus de valeur que celui-ci a eu tendance auparavant à voter dans le sens du vent. Si à chaque fois qu'il a voté non, la note a fini par passer, l'algorithme lui affecte un poids plus important. L'entreprise n'a, elle, aucune prise directe sur le contenu d'une note en particulier, ni sur son devenir.

Quels sont les défauts de l'algorithme?

D'abord, l'algorithme n'est pas conçu pour garantir que le contenu des notes soit vrai – comment lepourrait-il? –, mais pour qu'il fasse consensus auprès des votants. Ensuite, le taux de notes obtenant une validation définitive n'est que 10% environ. 5% sont définitivement refusées. Le reste des notes est en attente de validation, parfois depuis plusieurs mois. Ce quipose un vrai dilemme: faut-il rendre visibles à tous les utilisateurs ces notes, quand bien même elles n'auraient pas obtenu ce sésame?

C'était le cas jusqu'au 29août. Résultat, lesnotes pouvaient voir leur contenu changer plusieurs fois, avant d'être retirées puis réaffichées, en l'espace de quelquesdizaines deminutes. De quoi semer la confusion dans lestêtes de ceuxqui lesliraient sans regard critique.Depuis, X a modifié son algorithme pour réduire le nombre d'internautes pouvant voir la note en attente. Avec ce risque: si la validation prend trop de temps, le tweet trompeur aura été lu par un grand nombre de personnes sans qu'elles aient pu être misesen garde.

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Les Community Notes ne sont pas un système parfait. «Mais X a fait des efforts considérables pour que son algorithme ait le moins de défauts possible», juge Florent Lefebvre, consultant en analyse de données contenues dans les réseaux sociaux. «Quand on regarde beaucoup d'autres réseaux sociaux, on voit que soit le contenu va rester tel quel en ligne sur une longue durée, quels que soient les mensonges qui y sont dits, soit l'entreprise va le supprimer sur des critères qui ne sont connus de personne.»

Quels comptes font le plus l'objet de Community Notes?

Florent Lefebvre arécupéré3740notesrelatives à des tweets publiés sur des comptes français, mises en libre accès par X.Il s'agit de notes proposées par la communauté, certaines ayant été définitivement validées, d'autres non. À partir de l'ensemble de ces notes, Florent Lefebvrea dressé le top20des comptes les plus ciblés par les contributeurs. Le nombre de notes répertoriées va de32pour le compte en tête dece classem*nt, à11pour le dernier. Des chiffres encore modestes, en raison de la relative nouveauté dela fonctionnalité en France, mais dont sedégagent déjà deux tendances.

Huitcomptes de médias et de sites Internet agrégeant des contenus d'actualité apparaissent dans ce classem*nt. En première position du top 20vient BFMTV, avec32notes. Puis on retrouve CerfiaFR(3e position), Mediavenir (5e) et Alertesinfo (7e). «Une bonne partie des notes dont ils font l'objet sont là pour signaler que le texte du tweet exagère ce que dit l'article ou la séquence vidéo à laquelle il renvoie», explique Florent Lefebvre.

Petit classem*nt des Français ayant reçu le plus de community notes, dont les tweets étaient jugés trompeurs par la communauté...

Mais aussi des gens les plus harcelés par des community notes qui ne sont pas acceptées !

Petit acharnement sur @sandrousseau �� https://t.co/CeTI7ym6Fm pic.twitter.com/dKqV240sJj

— Flef (@FlefGraph) August 23, 2023

Ensuite, on y trouve, sans surprise, les comptes de huit personnalités politiques. Maiscinq d'entre elles se placent à gauche, contre seulement troisàdroite. En tête de ces personnalités, et en deuxième position du classem*nt général, on trouve Florian Philippot (Les Patriotes), avec30notes. Puis viennent Sandrine Rousseau (EELV, 4e), Jean-Luc Mélenchon (LFI, 9e), Mathilde Panot (LFI, 10e), Bruno Attal (Reconquête, 11e), Antoine Léaument (LFI, 12e), Damien Rieu (Reconquête, 19e). Marine Tondelier (EELV) clôt ce top 20avec11 notes.

Pourquoi ce déséquilibre gauche-droite? «Les personnalités de gauche tweetent beaucoup d'affirmations sur des sujets très techniques: l'énergie, le nucléaire, l'agriculture», répond Florent Lefebvre. «Au contraire des politiques d'extrême droite, qui sont davantage dans le registre de l'opinion – par exemple, "il y a trop d'immigrés" –, les politiques de gauche vont s'exprimer sur des choses quantifiables bien précises, comme les rendements du nucléaire. Elles auront donc soit raison, soit tort. Or, dès lors que vous vous mettez à parler d'un domaine de compétence avec lequel vous n'êtes pas complètement familiarisé, deux choses vont arriver. Premièrement, il est facile de dire des bêtises. Deuxièmement, les personnes qui, elles, maîtrisent le sujet vont tout de suite sortir de leurs gonds.» Résultat, un consensus va rapidement émerger, et la note aura davantage de chances d'être validée par l'algorithme.

Inception (et un bon exemple de la limite des "Notes").

Sandrine Rousseau explique que les Notes peuvent prendre la forme de harcèlement: une Note s'ajoute pour expliquer que ce n'est pas leur but.

Ce qui n'est absolument pas contradictoire avec le tweet. pic.twitter.com/5xLJ8SBFdN

— Raphael Grably (@GrablyR) August 29, 2023

Le 28août, Sandrine Rousseau a d'ailleurs publié un tweetdans lequel elle explique se sentir harcelée par ces notes sous ses posts. Dans la foulée, ce tweet a fait l'objet d'une note, expliquant que «les notes n'ont pas pour but de provoquer du harcèlement, mais d'ajouter un contexte à une publication jugée trompeuse».

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